L'hypothétique véhicule à hydrogène
En Septembre 2020 l'état Français à l'initiative de l'AFHYPAC a annoncé la création pour un coût de 7 Milliards d'un plan de production d'hydrogène décarboné. Ce plan n'est pas très judicieux pour un raison de fonds assez simple. L'hydrogène est d'un maniement très difficile car il est très volatil et explosif, ce qui entraîne des précautions draconiennes d'utilisation et induit des coûts qui le rendent non compétitifs par rapport en particulier au méthanol.
L'idée d'utiliser l'hydrogène dans l'économie (1) n'est pas nouvelle. Depuis Jules Verne dans son roman l'île mystérieuse à l'économiste Jeremy Rifkin qui en 2002 dans son livre "l'économie hydrogène" écrivait: "l'hydrogène est la dernière étape du processus de décarbonation.[..] Source d'énergie première du futur, il marque le fin du règne des hydrocarbures". Dés 2003 l'administration Bush (2, p259/424) avait mis en place un plan de plus d'un milliard de dollars pour le développement de la voiture à hydrogène à partir de 2015. Pourtant à cette échéance, l'utilisation de ces véhicules reste très marginale aux État-Unis.
Le combustible a des avantages. Parmi les véhicules à pile à combustible (3) ayant déjà fait l'objet d'un prototype, l'hydrogène est le seul carburant , offrant un véhicule n'émettant pas du tout de CO2 (à part celui à concevoir (4, 5 min) utilisant l'ammoniaque). Pour autant en 2021 95% de l'hydrogène produit en France est fait par reformage à partir de sources carbonées et l'hydrogène dit "vert" produit à partir de l'hydrolyse de l'eau est très peu répandu. Le bilan carbone de l'hydrogène est donc en 2021 impossible à classer globalement comme neutre. Par contre l'hydrogène est un gaz à effet de serre, dont l'effet est 6 fois plus important que le CO2 (5), par contre sa durée de vie n'est pas supérieure à 2 ans.
On ne peut se contenter toutefois de se limiter à ces avantages apparents en passant outre les deux inconvénients majeurs rencontrés.
L'utilisation de l'hydrogène est dangereuse:
En 2019 une station de ravitaillement a explosé en Norvège (6) et une autre à Santa-Clara aux États-Unis entraînant la fermeture de neuf des onze stations d'approvisionnement de la région. Peut-il vraiment être utilisé en ville, dans les parking publics? Il suffit de se souvenir des controverses en France liées à l'utilisation des voitures au Gpl, qui est pourtant comprimé entre 225-475 fois (7) moins.
Son coût d'utilisation est non compétitif, à grande échelle, aussi bien s'il est utilisé pour le stockage de l'énergie qu'en tant que combustible de la mobilité.
Une étude montre par exemple que les coûts de distribution (8, p27/29) (9, 4min) rendent le transport prohibitif dés que les stations d'approvisionnement sont à plus de 150km des lieux de production. Le coût d'installation d'une station d'avitaillement est au minimum en 2021 de 0,6M d'euros (10) contre 5 fois moins (11) pour une station essence (et un coût égal ou en pratique quasi nul pour le méthanol, celui-ci s'intégrant dans les stations existantes). Les coûts des véhicules à hydrogène sont nécessairement plus élevés que ceux fonctionnant au e-méthanol car dans ce dernier cas on économise sur la distribution et le stockage (réservoirs non pressurisés). Le coût du production de l'hydrogène à partir de l'électrolyse est estimé à l'horizon 2030 à deux fois celui du méthanol venant de la biomasse (12, 4.3) et le prix de marché du biométhanol était à énergie égale en 2021 10 fois moins élevé que celui de l'hydrogène (14). On peut par ailleurs assez facilement dans les véhicules fonctionnant avec une pile à combustible au e-méthanol récupérer le Co2. En effet, le coût d'équipement de 10000 stations en méthanol a été évalué à 2 Milliards de dollars, pour environ 1000 Milliards de dollars (15, p14/24) (16) pour le même nombre de stations en hydrogène. A défaut le transport du méthanol et sa transformation par un réformeur en hydrogène, dans les stations de distribution, parait beaucoup moins couteuse (17). Les véhicules électriques peuvent pour leur part être rechargés à domicile, ce qui leur donne l'avantage du réseau de recharge le plus étendu parmi tous les types de véhicules .
Le coût de fabrication des véhicules à hydrogène les situent parmi les types de véhicules les plus chers existants. En effet, ceux-ci doivent additionner le prix d'une pile à combustible à hydrogène, celui de réservoirs très robustes (fibre de carbone), le renforcement de la structure du véhicule pour protéger les réservoirs, le coût d'un batterie électrique qui permet de stocker l'énergie provenant de la pile à combustible.
En France par exemple en intégrant les primes proposées par l'état on ne trouve pas de modèle neuf de voiture en 2021 à moins de 60.000 Eur (9), à comparer par exemple avec le prix de vente de la Dacia Spring (18) électrique (autonomie réelle supérieure à 150 km), qui primes comprises pour la France peut s'acheter autour des 10.000Eur. Mettre en avant l'autonomie supérieure des véhicules à hydrogène revient à privilégier un usage très limité quand on sait que la distance moyenne parcourue quotidiennement est de 25km (11). Qu'on compare le prix d'achat des bus à hydrogène (12) à celui des bus électrique, on trouve toujours un surcoût en 2020 d'un tiers en faveur de l'électrique. La construction d'un véhicule à hydrogène sera toujours nettement plus cher que son équivalent fonctionnant avec une pile à combustible au méthanol, car dans ce dernier cas le réservoir de combustible (13) est comparable à celui d'un véhicule à essence. Le véhicule à pile à combustible au méthanol permet d'utiliser la batterie rechargeable du véhicule pour les trajets quotidiens et constitue avec ceux fonctionnant à l'éthanol ou à l'ammoniac les types de véhicules hybrides les moins polluants. La comparaison du prix de vente des voitures à hydrogène avec les voitures flexfuel, dont les couts de production sont similaires à ceux des véhicules roulant à l'éthanol, est largement en faveur du méthanol dans un facteur de 2 à 3. Nombre de collectivités Françaises se sont lancés, avec le soutien de l'État, dans des projets de véhicules fonctionnant à l'hydrogène qui sont beaucoup plus onéreux que des moyens équivalents en véhicules électriques (14).
Par ailleurs, le critère de taxation des cartes grises des véhicules à partir de leur niveau d'émission de CO2 connait certaines limites. En effet, un véhicule utilisant de l'hydrogène gris (produit à partir du méthane) est taxé sur la base d'une émission nulle en CO2, alors qu'un véhicule utilisant du méthanol vert l'est à peu prés même niveau qu'un véhicule à l'éthanol par exemple, même si son bilan carbone est en réalité très faible. Ceci est aussi valable pour les carburants: le méthane obtenu par méthanation ne devrait pas être taxé pour le consommateur au même taux que celui qui importé. La taxation de l'énergie, comme par exemple celle de l'électricité, devrait se faire au niveau des producteurs et non des consommateurs, avec des taux différents suivant le mode carboné ou décarboné.
D'autres types de véhicules
Le coût d'utilisation du carburant est en 2020 non compétitif: il est estimé à 15Eur/100km (15). Un véhicule à hydrogène consomme environ trois fois plus d'électricité que son équivalent fonctionnant à batterie électrique et aucune voie d'amélioration technique ne permet d'envisager de combler ce retard, les effets d'échelle n'y suffisant pas. En effet, le rendement énergétique d'un véhicule à pile à combustible est environ 3 fois inférieur par rapport à un véhicule utilisant des batteries (16,fig11 p20/33). Dans le même temps cependant le prix des batteries des véhicules électriques continue de baisser (17) et leur capacité (18) d'augmenter. Le méthanol obtenu par captation du CO2 avec un coût de production de 0,8Eur=1Eur*0,8kg/litre (19, fig8) (20, p5/8) (21) en 2020 est aussi moins cher que l'hydrogène, en le rapportant à une consommation moyenne de 7l/100km, pour un véhicule flex-fuel. Le prix de vente (22) (18a) non fiscalisé serait ainsi probablement légèrement inférieur à celui de l'essence . Ce dernier coût est au moins deux fois moins élevé que celui de l'hydrogène vert. Le coût de production de l'ammoniac vert est aussi inférieur au prix de vente de l'essence en France (23, fig7). Même si du CO2 est émis lors de la combustion des moteurs, le bilan carbone de ce emeOH (ou méthanol vert) est très bas compte tenu de son mode de production par captation de 90% de CO2.
Le coût d'achat d'une voiture fonctionnant à l'essence est similaire à celui d'une voiture fonctionnant avec un pile à combustible au méthanol, mais nettement inférieur à celui d'un voiture fonctionnant à l'hydrogène(24, p17/91) . Une étude Italienne montre que le coût au km d'un bus roulant à l'hydrogène est en moyenne 2,3 fois plus élevé qu'un bus électrique à batterie (25).
L'investissement nécessaire pour construire des usines permettant de capter 10Mt de C02 en France, peut être estimé à partir de l'exemple d'une usine pouvant produire annuellement 0,43Mt de méthanol (26, 2.2) ou de celui produisant 1,5Mt (27, 3.2) entre 2 à 2,5 Milliards . Le remplacement par 10Mt de Méthanol de l'essence ou du diesel couterait environ 4,5 Milliards par an sur la base d'une recette de la Ticpe de plus de 40 milliards par an (28) mais réduirait d'environ 4 milliards (29, p20/74) le déficit de la balance commerciale. Une défiscalisation partielle suffisant cependant à assurer la compétitivité du e-méthanol, on ne peut que constater le manque de rationalité économique de l'État à ce sujet.
Enfin, il est possible de concevoir une pile à combustible au méthanol (30) (31,p37/42), et dans une moindre mesure pour un véhicule fluexfuel-méthanol, récupérant l'émission de C02 sous forme liquide (32) (33,p4/25) , beaucoup plus simplement que pour un véhicule à essence (34). La rentabilité de ce type de capture semble exister dans la mesure où la tarification du CO2 est environ de 0,5Eur/kg (35) et qu'à titre d'exemple une voiture de type Crit1 émet environ 10kg (36) de CO2/100km qui pourraient donc être valorisés à un prix de 5Eur/100km. Le véhicule à pile à combustible, est d'autant plus rentable en comparaison du véhicule électrique que sa taille est importante (37,p16).
La pile a combustible au méthanol avec récupération de CO2 aura dans ce cas un bilan carbone nul voir négatif, meilleur que celui de la pile à combustible à hydrogène avec un coût plus faible (véhicule, carburant), si on utilise par ailleurs la méthanolisation. Un véhicule au méthanol économise aussi en poids au minimum environ 250kg en poids, grâce à l'économie de réservoir en kevlar (38). De plus de récentes découvertes (39) dans les technologies de piles à combustibles permettent d'envisager une baisse significative des coûts de production à cause de la substitution des métaux rares comme le platine (40) (41). Alors que la pile représente en moyenne environ 50% du cout de production d'un tel véhicule (42,fig11), cette proportion est plus importante encore dans le cas d'un véhicule à pile à combustible utilisant le méthanol (pas de réservoir en titane(43,26k)). Cependant en 2017, les piles à combustibles pour les véhicules étaient encore peu développées, puisque par exemple 82% de ces véhicules étaient en Californie ou au Japon (44).
A titre d'exemple, le prix aux 100 km d'un véhicule équipé dune pile à combustible au méthanol peut s'évaluer à partir des données suivantes:
-consommation de méthanol par Kwh (45, 5min41): 0,9l/kwh
-consommation aux 100 km d'un véhicule électrique: 17kw/100km (46)
-prix du e-méthanol/litre: 0,80Eur/m (47) ,(48) (49) (50,22min) s'il s'agit de e-méthanol (vert) donc exonéré de la taxe carbone.
-valorisation du Co2 récupéré 100km (51, 7min16): 8.3*0.5=4.15Eur/100km. L'énergie de compression du C02 s'élève à environ 0.1kw/kg (52). Aux 100km cette énergie peut être estimée à 0.8kw et représente une consommation de 0.72l de méthanol.
Le coût aux 100km peut donc s'évaluer par la formule: 0.9*17*0.8 -4.15+0.72*0.8=8Eur67/100km, ce qui est moins cher que celui d'une voiture à essence en France, taxes comprises: 5*1.8=9Eur/100km (prix de l'essence à 1.8eur/l en 2022). Il faudrait donc que l'état détaxe à 100% le e-méthanol pour assurer en 2022 sa viabilité économique à travers son coût d'usage pour une pile à combustible, avec des émissions de co2 réduites presque de 100%.
Si l'on fait une comparaison entre le coût d'usage d'une voiture roulant au carburant M100 et d'une voiture à l'essence:
-consommation d'une voiture utilisant M100, produit par méthanolisation: 13.5l/100Km (53, p5/10). Coût aux 100km (ht): 13.5*0.9= 12Eur15 contre 8*1.8=14.4 Eur pour le modèle essence. On voit qu'en détaxant à 100% le e-méthanol la rentabilité du e-méthanol existe déjà, et avec des émissions de Co2 réduites de 70% (54, p12/15). En Chine le carburant M100 est vendu 30% moins cher que l'essence (55, 1m45).
Si l'on considère la diminution du déficit commercial qu'engendrerait la production d'e-méthanol et la légère diminution des externalités dues au réchauffement climatique à venir on voit qu'il serait déjà rentable pour l'État et pour le consommateur de déclarer cette défiscalisation quitte à trouver pour l'État des ressources fiscales complémentaires dans d'autres domaines. Une startup Française a mis au point un kit d'adaptation des véhicules à essence vers le méthanol pour 2000Eur (56).
Le véhicule hybride RMfc-VE (57,p33/58) semble être, en 2020, parmi parmi les moins onéreux et émetteurs de CO2. Cependant quand on examine les résultats de l'enquête mobilité 2019 (58) on voit que les Français font en moyenne moins de 7 voyages par an de plus de 80 km (59,6min40), qui représentent moins de 2% des leurs déplacements. La pertinence pour un véhicule électrique de disposer de plus de 100km d'autonomie se pose donc car a contrario la conséquence d'une autonomie supérieure est l'alourdissement du véhicule (5kg/kwh de capacité de batterie, en 2022) entrainant une surconsommation dans son usage quotidien (60). Ces données montrent aussi que l'avantage annoncé d'une grande autonomie d'un véhicule à hydrogène, ou hybride thermique/électrique est en réalité pour un usage courant associé à des surcoûts de construction et d'usage assez peu rationnels du point de vue économique.
Malgré les problèmes de fuites, liés à l'utilisation du méthane, le véhicule à pile combustible au gaz naturel (61) (62) semble être une alternative également plus crédible que celui à l'hydrogène (distribution, stockage meilleurs; coûts plus faibles) (63). On peut aussi facilement dans ce cas, par captation du CO2 en sortie de réformeur de méthane, avoir un véhicule à émission carbone très faible, tout en utilisant la recharge électrique pour la plus part des trajets courants.
Autres utilisations de l'hydrogène
Du point de vue économique, les projets pour produire de l'hydrogène vert, à partir d'électrolyseurs sont moins rentables que ceux basés sur la pyrolyse du méthane (64, p8/12) (65) (66,4min), en particulier en Europe (67). Le coût de l'hydrogène turquoise (68,8min) est en moyenne deux fois moins élevé que l'hydrogène vert (69, 3.5) (70, 19ea) et voisin de l'hydrogène gris(71). Certaines études donnent même un cout de production nul en intégrant la revente de la production conjointe du noir de carbone(72). La différence de coût étant toutefois dépendante du prix du gaz et de l'électricité, qui peuvent varier sensiblement suivant les pays (19a). La pyrolyse du méthane nécessite aussi en moyenne deux fois moins d'énergie que le reformage du méthane (73). Alors que le coût de production de l'hydrogène turquoise peut être estimé à 1,5Eur/kg c'est à dire moitié moins cher que l'hydrogène obtenu par vaporeformage (74) et que les émissions de GES pour la production d'hydrogène représentent 3% des émissions Françaises (75, p3/26).
En utilisant uniquement la pyrolyse pour la production de noir de carbone dans le secteur de la chimie, on pourrait dans le même temps produire 7% de la production mondiale d'hydrogène (76, 41min).
On peut en effet aussi obtenir de l'hydrogène par pyrolyse de la biomasse, dans une réaction autothermique (77).
La pyrolyse pourrait être a priori un moyen efficace de produire de l'électricité décarbonée à partir du méthane par l'utilisation dans un second temps de piles à combustibles (78), dont le rendement est environ deux fois supérieur à celui de la combustion (79). Le coût par MW de grosses pile à combustible peut être estimé à 5M$ /MegaW de puissance (80) à comparer avec 0,6M/MegaW pour une centrale à gaz (81). Remplacer la plus petite centrale thermique Française, de capacité 394MWh (82) par des piles à combustibles couterait donc environ 374*5=~2Milliards d'Euros, pour une durée de vie assez limitée de 30 ans. Ainsi, en comparaison les projets Steps donc la durée de vie est probablement 6 fois supérieure, couteraient nettement moins chers à moyen terme que de produire de l'électricité décarbonée à partir du méthane. Par exemple, le coût d'une Step remplaçant une centrale de thermique de capacité 374MegH peut être estimé à partir du cout de construction d'un barrage à 3,5Milliards (83), alors que sa fonctionnalité est identique à savoir pallier à l'intermittence sur le réseau électrique.
L'hydrogène produit par vaporeformage du méthane et associé à une capture du CO2 produit (hydrogène bleu), a un coût moins élevé que l'hydrogène vert, produit par électrolyse (84,34min). La capture du CO2 (85) opérée dans la production d'hydrogène bleu peut être valorisée par exemple par la production conjointe de méthanol (86) ou par d'autres CCUS en Ethanol (87), pour un coût deux fois moins élevé que l'hydrogène vert (88). Il restera en France probablement moins cher que l'hydrogéne vert probablement jusqu'en 2050 (89, fig C).
La production d'hydrogène à partir de biogaz est une alternative zéro carbone à la méthanisation, qui est en 2023 en Europe aussi compétitive que l'hydrogène vert produit à partir des Enr (90) (91), en particulier si le prix de celles-ci est facturé, donc réglementé.
Si le développement de l'hydrogène natif, ou blanc est confirmé en France à partir des ressources estimées en 2023 (92), les coûts de production du e-méthanol ou des Lohc deviendraient alors au moins 2 fois plus faibles (93,fig3) (94, p7/8) (95, fig4), alors que les réserves devraient être établies d'ici 2027 (95a).
On peut construire un système de stockage de l'énergie en stockant le CO2 issu de l'hydrogène bleu, puis en le reconvertissant en méthane, par réaction de méthanation, alimentée par de d'hydrogène turquoise.
La comparaison du e-méthanol et des autres Lohc, montrerait en 2023 un avantage économique en faveur du e-méthanol. En effet l'étape de désydrogénation préalable à l'utilisation d'une pile à combustible "Direct LOHC", peut consommer une part importante du carburant (96) car les molécules des Lohc sont plus difficiles à dissocier que celles de méthanol (97) . En contrepartie si ces dernières piles n'émettent pas de CO2 (98) (99), cela évite alors une étape éventuelle de capture du CO2, en sortie de pile à combustible.
La comparaison des différents Lohc dont le carburant est peut être issu de la biomasse, montre que le méthanol est celui qui a la plus grande densité en hydrogène (100, schéma1). En Europe, en 2019, le bilan carbone de l'hydrogène produit par électrolyse (vert) était, avec le taux d'émissions de GES associé au mix électrique moyen, équivalent à l'hydrogène gris (p15).
Au niveau mondial, produire la totalité de l'hydrogène que l'on produit déjà par électrolyse représenterait une consommation équivalente à la production électrique de l'Union Européenne (101, 8min). Substituer la production d'hydrogène obtenue par des ressources fossiles en France en 2020 nécessiterait 50Twh d'électricité (102, 18min). Ce dernier chiffre permet de douter de la pertinence d'installer des électrolyseurs pour la production d'hydrogène vert, en France en 2023, alors que l'on est en sous-capacité (importateur sur l'année) en production électrique. Les 10% de la consommation Française électrique qui seraient utilisés en 2030 pour la production d'hydrogène (103) ne sont pas compatibles avec le disponibilité électrique du réseau à cette échéance. Tant qu'un pays n'a pas une électricité 100% décarbonée (exception en Europe de la Norvège), l'hydrogène vert reste globalement non rentable puisqu'il vaut mieux attribuer les ressources électriques disponibles à la substitution directe des énergies fossiles encore utilisées dans la production électrique: recharge des voitures électriques, steps, systèmes de stockage plus compétitifs que l'hydrogène (104). Ceci alors que cet article montre par exemple que l'on pourrait produire la totalité de l'hydrogène utilisé en Europe à partir de la biomasse, et éviter en même temps 3% des émissions de CO2 , pour un coût équivalent à l'hydrogène vert (105, p3) (5Eu/kg), produit en France.
La rentabilité des projets d'hydogénoducs dont la longueur est supérieure à quelques dizaines de km est difficile à établir du point de vue économique (106) (107). Dans la mesure où les nouveaux projets se basent le plus souvent sur la production d'hydrogène obtenu par hydrolyse, il est dans ce cas souvent moins onéreux de développer le transport d'électricité (108), ce qui a aussi l'avantage de favoriser les compensations sur les réseaux qui vont être de plus en plus soumis à des tensions du fait du développement des Enr et de leur variabilité. En particulier compte tenu du taux plus faible d'utilisation en moyenne des hydrogenoducs (p14). A titre d'exemple, en France, le choix de Port-la-Nouvelle pour des électrolyseurs destinés à la production d'hydrogène vert (109) parait difficile à justifier (pour autant que la rentabilité de l'hydrogène vert existe en France, en 2024), puisqu'il aurait probablement mieux valu installer ces derniers à Fos-Sur-mer, où sont situés les besoins en hydrogène, compte tenu de l'intermittence de la production d'hydrogène obtenue à partir de la production éolienne (au mieux 50% du temps en moyenne).
Si on examine les projets de méthanol renouvelables en Europe (110) , qui nécessitent donc la production d'hydrogène on voit qu'il y deux types de projets : ceux de bio-méthanol et de e-méthanol. Les projets de e-méthanol se développent surtout dans les pays qui sont proches d'une sur-capacité de production électrique décarbonée comme le Danemark avec son énergie éolienne (111) ou la Norvège (électricité hydraulique). Le méthanol est alors utilisé comme un CCUS, afin d'atteindre un objectif de neutralité carbone. Pour autant, on peut se demander si ce surplus électrique de ne serait pas mieux utilisée dans des projets européens de types Steps (rendement 75%), batterie au CO2 (112) (rendement 70%) ou compensation sur le réseau électrique européen? L'hydrogène turquoise a en effet un coût inférieur à l'hydrogène vert, en 2023 et l'Europe est globalement en sous capacité de production électrique tant qu'elle n'a pas achevé sa transition énergétique.
Si l'hydrogène a un intérêt pour le stockage de l'énergie (113) d'origine décarbonée, cet intérêt est moindre en comparaison du méthanol (114, 5min/12) (115,p38/245) (116,p16/17). La densité énergétique (117) du méthanol est plus élevée que celle de l'hydrogène liquide, dans un facteur 2 (118, p4/33). D'autre part, il y aurait au moins une réserve de production de 10MteqP de e-méthanol provenant de la décarbonation des procédés de fabrication des industries manufacturières en France. Le coût brut de production du e-méthanol est supérieur (119), p18/45 à celui de l'hydrogène vert, mais le stockage et les coûts d'utilisation ultérieurs du méthanol ainsi produit sont sans comparaison avec ceux de l'hydrogène. La production de cette réserve de e-méthanol pourrait permettre à moyenne échéance de supprimer les importations Françaises d'électricité en se dirigeant vers une production électrique Française 100% décarbonée, avant 2035 qui est l'échéance fixée pour ce même objectif par le Royaume-Uni (120) . En 2021, 85 % de l'hydrogène produit est consommé sur son lieu de production (121, 36min). L'utilisation de l'air comprimé est aussi plus efficace et moins cher que l'hydrogène (122c, p30/245). Il est en effet nécessaire dans le cadre de la transition d'accroître les moyens de stockage de l'énergie issue d'une production décarbonée, pour surmonter la question de l'intermittence (122). Cela est confirmé par le rapport de synthèse 2021 de Rte, qui par contre oublie d'envisager l'utilisation du méthanol dans ses projections (123, p6/64). La question de l'intermittence se pose d'ailleurs aussi pour l'industrie nucléaire Française (124, p92/268) dont le "load factor" (ou temps de disponibilité) moyen a diminué de 10 à 15% ces 5 dernières années à cause en particulier de l'augmentation de l'âge moyen des centrales. Les coûts élevés de l'acheminement du réseau dans le prix de l'électricité (30%) montrent qu'il y a probablement des économies à faire en matière de distribution et de gestion du stockage de l'électricité. Par ailleurs cela permettrait aussi de lisser les variations du prix de l'électricité en Europe (125). L'ammoniac est aussi un moyen plus simple de stocker l'énergie que l'hydrogène (126) (127) mais avec plus de contraintes que le méthanol (128) (129, p29/124). Le méthane est aussi via la méthanation un meilleur moyen de stockage de l'énergie que l'hydrogène (130) (131) (132) car il peut être distribué par des gazoducs contrairement à l'hydrogène (sauf quand il est mélangé à faible concentration au méthane ).
Une étude montre que le stockage de l'énergie présentant la meilleure efficacité, est obtenu par une combinaison du e-méthane et du e-méthanol (133) .
C'est le méthanol qui est le moins onéreux (134, 3.4.3) (135,fig7) pour le stockage, et il présente aussi des avantages par rapport au méthane dés qu'il s'agit de l'utiliser comme combustible pour les véhicules. La transformation du méthane en méthanol sera peut-être exploitable de manière industrielle à moyen terme (136). La batterie au CO2 aurait un rendement de 70% et serait donc une bonne solution pour le stockage de moyenne capacité (137).
Pour les industries très consommatrices d'énergie, il est possible de les rendre neutres en carbone, en les alimentant avec du méthane, en récupérant le CO2 émis et en produisant conjointement de l'hydrogène turquoise par reformage à sec du méthane à partir du CO2 capté (138). La production d'hydrogène turquoise utilise en effet 7,5 fois moins d'énergie que l'hydrogène vert (139) et a donc un coût plus faible que l'hydrogène vert, dans la mesure où le prix de l'électricité de gros est en Europe indexé sur le prix du gaz (140). L'intérêt de la production d'hydrogène intervient pour la substitution de composés carbonés par des e-fuels (e-méthanol,e-méthane, e-Nh3) (141).
Produire une électricité à 100% décarbonée en utilisant la méthanation est possible en l'espace de 10-15 ans, comme les Anglais s'y sont engagés d'ici 2035 (voir article CCUS). Cet objectif permettrait par ailleurs de légitimer davantage l'utilisation de la voiture électrique, en diminuant son bilan carbone.
En conclusion, dans le cadre de la transition énergétique la production d'hydrogène vert doit être dédiée en priorité à la production d'ammoniac, au raffinage et à la mise en place de la production d'acier par réduction directe du fer (142, 27min) et à la décarbonation de la production électrique à travers la méthanation, ou mieux (à cause des fuites de méthane) à la méthanolisation. Ceci d'autant plus que de nouveaux procédés de production de l'hydrogène (143) (144) (145), hydrogène natif (146), le rendent davantage compétitif comme vecteur de la transition. A défaut de respecter ces priorités, il serait opportun de transformer le plan au moins en un plan carburants verts, le méthanol, l'ammoniac et le méthane vert étant des produits finaux en pratique beaucoup plus utilisables que l'hydrogène pour le secteur du transport ou celui du stockage de l'énergie.En 2024, on constate qu'une faible part des projets d'électrolyseurs a été mis en service (147). Cela s'explique sans doute par le fait que les hydrogènes blanc(148) et turquoise correspondent, en Europe, aux modes de production les moins chers (p8) et avec les meilleurs bilan carbone (p14) (p15). La cour des comptes européenne émettait en 2024 des doutes sur l'efficacité économique du rôle de l'hydrogène dans le cadre du plan Repower-Eu (149).
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