
En Septembre 2020 l'état Français à l'initiative de l'AFHYPAC a annoncé la création pour un coût de 7 Milliards d'un plan de production d'hydrogène décarboné. Ce plan n'est pas très judicieux pour un raison de fonds assez simple. L'hydrogène est d'un maniement très difficile car il est très volatil et explosif, ce qui entraîne des précautions draconiennes d'utilisation et induit des coûts qui le rendent non compétitifs par rapport au méthanol.
L'idée d'utiliser l'hydrogène dans l'économie (1) n'est pas nouvelle. Depuis Jules Verne dans son roman l'île mystérieuse à l'économiste Jeremy Rifkin qui en 2002 dans son livre "l'économie hydrogène" écrivait: "l'hydrogène est la dernière étape du processus de décarbonisation.[..] Source d'énergie première du futur, il marque le fin du règne des hydrocarbures". Dés 2003 l'administration Bush (2, p259/424) avait mis en place un plan de plus d'un milliard de dollards pour le développement de la voiture à hydrogène à partir de 2015. Pourtant à cette échéance, l'utilisation de ces véhicules reste très marginale aux Etats-Unis.
Le combustible a des avantages. Parmi les véhicules à pile à combustible (3) ayant déjà fait l'objet d'un prototype, l'hydrogène est le seul carburant offrant un véhicule n'émettant pas du tout de CO2 (à part celui à concevoir (3a, 5 min) utilisant l'ammoniac). Pour autant en 2021 95% de l'hydrogène produit en France est fait par reformage à partir de sources carbonnées et l'hydrogène dit "vert" produit à partir de l'hydrolyse de l'eau est très peu répandu. Le bilan carbone de l'hydrogène est donc en 2021 impossible à classer globalement comme neutre.
On ne peut se contenter toutefois de se limiter à ces avantages apparents en passant outre les deux inconvénients majeurs rencontrés.
L'utilisation de l'hydrogène est dangereuse:
En 2019 une station de ravitaillement a explosé en Norvège (4) et une autre à Santa-Clara aux Etats unis entraînant la fermeture de neuf des onze stations d'approvisionnement de la région. Peut-il vraiment être utilisé en ville, dans les parking publics? Il suffit de se souvenir des controverses en France liées à l'utilisation des voitures au Gpl, qui est pourtant comprimé entre 225-475 fois (5) moins.
Son coût d'utilisation est non compétitif, à grande échelle, aussi bien dans une schéma énergétique qu'en tant que combustible de la mobilité.
Une étude montre par exemple que les coûts de distribution (6, p27/29) rendent le transport prohibitif dés que les stations d'approvisionnement sont à plus de 150km des lieux de production. Le coût d'installation d'une station d'avitaillement est au minimum en 2021 de 0,6M d'euros (7) contre 5 fois moins (8) pour une station essence (et un coût égal ou en pratique quasi nul pour le méthanol, celui-ci s'intégrant dans les stations existantes). Le coût d'équipement de 10000 stations en méthanol a été évalué à 2 Milliards de dollars, pour environ 1000 Milliards de dollars (8, p14/24) pour le même nombre de stations en hydrogène. Les véhicules électriques peuvent pour leur part être rechargés à domicile, ce qui leur donne l'avantage du réseau de recharge le plus étendu parmi tous les types de véhicules .
Le coût de fabrication des véhicules à hydrogène les situent parmi les types de véhicules les plus chers existants. En effet, ceux-ci doivent additionner le prix d'une pile à combustible à hydrogène, celui de réservoirs très robustes (fibre de carbone), le renforcement de la structure du véhicule pour protéger les réservoirs, le coût d'un batterie électrique qui permet de stocker l'énergie provenant de la pile à combustible.
En France par exemple en intégrant les primes proposées par l'état on ne trouve pas de modèle neuf de voiture en 2021 à moins de 60.000 Eur (9), à comparer par exemple avec le prix de vente de la Dacia Spring (10) électrique (autonomie réelle supérieure à 150 km), qui primes comprises pour la France peut s'acheter autour des 10.000Eur. Mettre en avant l'autonomie supérieure des véhicules à hydrogène revient à privilégier un usage très limité quand on sait que la distance moyenne parcourue quotidiennement est de 25km (11). Qu'on compare le prix d'achat des bus à hydrogène (12) à celui des bus électrique, on trouve toujours un surcoût en 2020 d'un tiers en faveur de l'électrique. La construction d'un véhicule à hydrogène sera toujours nettement plus cher que son équivalent fonctionnant avec une pile à combustible au méthanol, car dans ce dernier cas le réservoir de combustible (13) est comparable à celui d'un véhicule à essence. Le véhicule à pile à combustible à méthanol permet d'utiliser la batterie rechargeable du véhicule pour les trajets quotidiens et constitue avec ceux fonctionnant à l'éthanol ou à l'ammoniac les types de véhicules hybrides les moins polluants. La comparaison du prix de vente des voitures à hydrogène avec les voitures flexfuel, dont les couts de production sont similaires à ceux des véhicules roulant à l'éthanol, est largement en faveur du méthanol dans un facteur de 2 à 3.
Par ailleurs, le critére de taxation des cartes grises des véhicules à partir de leur niveau d'émission de CO2 connait certaines limites puisque par exemple un véhicule utilisant de l'hydrogène gris (produit à partir du méthane) est taxé sur la base d'une émission nulle en CO2, alors qu'un véhicule utilisant du méthanol vert l'est à peu prés même niveau qu'un véhicule à l'éthanol par exemple, alors que son bilan carbone sera en réalité très faible.
Le coût d'utilisation du carburant hydrogène est en 2020 non compétitif: il est estimé à 15Eur/100km (14). Un véhicule à hydrogène consomme environ trois fois plus d'électricité que son équivalent fonctionnant à batterie électrique et aucune voie d'amélioration technique ne permet d'envisager de combler ce retard, les effets d'échelle n'y suffisant pas. Dans le même temps cependant le prix des batteries des véhicules électriques continue de baisser (15) et leur capacité (16) d'augmenter. Le méthanol obtenu par captation du CO2 avec un coût de production de 0,8Eur=1Eur*0,8kg/litre (17, fig8) (17a, p5/8) (17b) en 2020 est aussi moins cher que l'hydrogène, en le rapportant à une consommation moyenne de 7l/100km. Le prix de vente (18) non fiscalisé serait ainsi probablement légèrement inférieur à celui de l'essence, taxation incluse. Ce dernier coût est au moins deux fois moins élevé que celui de l'hydrogène vert. Même si du CO2 est émis lors de la combustion des moteurs, le bilan carbone de ce emeOH (ou méthanol vert) est très bas compte tenu de son mode de production par captation de 90% de CO2.
Le coût de production en énergie électrique du litre de "méthanol vert" est de 1,5kwh/litre (18a, 3.2). Sur la base d'une consommation de 7l/100km, le coût energétique aux 100km d'un voiture fonctionnant au méthanol peut être estimé à 7*1,5=10,5kwh/100km. La dépense énergétique d'une voiture électrique est en moyenne en 2021 de 17kw/100 km. La voiture fonctionnant au méthanol vert est celle qui nécessite le moins d'energie parmi les véhicules à très faible emission de C02.
L'investissement nécessaire pour construire des usines permettant de capter 10Mt de C02 en France, peut être estimé à partir de l'exemple d'une usine pouvant produire annuellement 0,43Mt de méthanol (23, 2.2) ou de celui produisant 1,5Mt (24, 3.2) entre 2 à 2,5 Milliards . La défiscalisation de 10Mt de Méthanol s'ils remplaçaient l'essence ou le diesel couterait environ 4,5 Milliards par an à l'état sur la base d'une recette de la Ticpe de 18 milliards par an (25) mais réduirait d'environ 4 milliards (26, p20/74) le déficit de la balance commerciale. Une défiscalisation partielle suffisant cependant à assurer la compétitivité du e-methanol, on ne peut que constater le manque de rationalité économique de l'Etat à ce sujet.
Si l'hydrogène a un intérêt pour le stockage de l'énergie (19) d'origine décarbonée, cet intérêt est moindre en comparaison du méthanol (19a, 5min/12) (19b,p38/245). La densité énergétique (20) du méthanol est plus élevée que celle de l'hydrogène liquide. D'autre part, il y aurait au moins une réserve de production de 10MteqP de e-méthanol provenant de la décarbonation des procédés de fabrication des industries manufacturières en France. Le coût brut de production du e-methanol est supérieur (20), p18/45 à celui de l'hydrogène vert, mais le stockage et les coûts d'utilisation ultérieurs du méthanol ainsi produit sont sans comparaison avec ceux de l'hydrogène. Le production de cette réserve de e-méthanol pourrait permettre à moyenne échéance de supprimer les importations Françaises d'électricité en se dirigeant vers une production électrique Française 100% décarbonée, avant 2035 qui est l'échéance fixée pour ce même objectif par le Royaume-Uni (20a) . Il est en effet nécessaire dans le cadre de la transition d'accroître les moyens de stockage de l'énergie issue d'une production décarbonée, pour surmonter la question de l'intermittence (21). La question de l'intermittence se pose d'ailleurs aussi pour l'industrie nucléaire Française (22, p92/268) dont le "load factor" (ou temps de disponibilité) moyen a diminué de 10 à 15% ces 5 dernières années à cause en particulier de l'augmentation de l'âge moyen des centrales. Les coûts élevés de l'acheminement du réseau dans le prix de l'électricité (30%) montrent qu'il y a probablement des économies à faire en matière de distribution et de gestion du stockage de l'électricité. Par ailleurs cela permettrait aussi de lisser les variations du prix de l'electricité en Europe (22a). L'ammoniac est aussi un moyen plus simple de stocker l'énergie que l'hydrogène (23) (23a) mais avec plus de contraintes que le méthanol (24) (25, p29/124). Le méthane est aussi via la méthanation un meilleur moyen de stockage de l'énergie que l'hydrogène (26) (26a) (26b) car il peut etre distribué par des gazoducs contrairement à l'hydrogène (sauf quand il est mélangé à faible concentration au méthane ). Cependant le méthanol présente des avantages par rapport au méthane dés qu'il s'agit de l'utiliser comme combustible pour les véhicules, alors que la transformation du méthane en méthanol sera peut-être exploitable de manière industrielle à moyen terme (27).
En conclusion, il serait donc opportun de transformer ce plan au moins en un plan méthanol-hydrogène.